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République démocratique du Congo (RDC) : évaluation actualisée de l’impact de la pandémie de coronavirus sur le secteur extractif et la gouvernance des ressources

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Ce document fait partie d’une série d’analyses par pays produites par NRGI pour résumer la situation en ce qui concerne la pandémie et ses impacts économiques. L’analyse qu’il contient est susceptible de changer en fonction de l’évolution de cette situation et sera mise à jour en temps utile.

Messages clés

  • La pandémie de coronavirus a aggravé la situation économique déjà précaire de la RDC. La priorité du gouvernement a été d’obtenir un allègement de la dette et de nouveaux prêts.
  • La production minière a été moins gravement touchée par la pandémie que prévuinitialement. En 2020, les recettes du gouvernement de la RDC provenant de l’exploitation minière seront toutefois inférieures aux prévisions des autorités. Cela est dû à une combinaison de facteurs, notamment des estimations initiales irréalistes, la chute des prix de nombreux minéraux en raison de la pandémie au début de 2020 et les restrictions de mouvement qui ont entraîné une baisse des exportations. 
  • Le Fonds monétaire international a demandé au gouvernement de la RDC de faire preuve de la plus grande transparence s’agissant de ses contrats miniers pour pouvoir accéder à tout nouveau programme d’aide.

Aperçu de l’impact économique de la pandémie de coronavirus

La RDC était déjà dans une situation économique précaire lorsque la pandémie de coronavirus et ses impacts économiques ont frappé le pays en mars. Début avril, les réserves monétaires de la Banque centrale du Congo s’élevaient à 693 millions de dollars, soit l’équivalent d’à peine deux semaines d’importations.

Le gouvernement a réduit ses prévisions de croissance pour 2020 à 1 %, contre 4 % initialement. Le Fonds monétaire international (FMI) a toutefois déclaré que la pandémie aura un impact économique et social considérable sur le pays et il prévoit une contraction de l’économie de la RDC de 2,2 % en 2020, alors qu’il tablait sur une croissance de 3,9 % avant la pandémie.

L’ensemble des recettes provenant du secteur extractif du pays est utilisé chaque année, de sorte que la RDC ne dispose pas d’économies provenant des revenus extractifs dans lesquelles elle pourrait puiser. La priorité du gouvernement a été d’obtenir un allègement de la dette et de nouveaux prêts, notamment de la Banque mondiale, du FMI et de la Banque africaine de développement. En avril, le FMI a approuvé une facilité de crédit de 363,3 millions de dollars américains. Le gouvernement a également négocié un accord de programme de trois ans avec le FMI, qui permettrait de fournir une aide financière plus importante au gouvernement. Le programme vise à soutenir la mise en œuvre de mesures et de réformes destinées à renforcer la stabilité macroéconomique et la gouvernance, et à lutter contre la pauvreté généralisée. Cependant, les discussions ont été prolongées, le FMI faisant pression pour une plus grande transparence des contrats du secteur extractif. En avril 2020, la Banque mondiale a fourni à la RDC 47 millions de dollars américains pour soutenir la réponse du pays à la pandémie.

En juillet, le président Felix Tshisekedi a mis fin à l’état d’urgence instauré en mars, et le pays a commencé à rouvrir progressivement les entreprises et les frontières.

En octobre, le gouvernement a confirmé que le budget 2020 avait été révisé à la baisse, passant de 11 à 5,7 milliards de dollars américains. Le budget initial avait été jugé irréaliste avant même le début de la pandémie de coronavirus. Le budget 2021 a été fixé à 6,8 milliards de dollars américains, une décision du gouvernement qui relève en partie de la pression du FMI en faveur d’un budget crédible.

Impact sur le secteur minier

La fin des restrictions liées à la pandémie a facilité le retour à la normale des opérations sur les sites miniers. Certaines mines avaient confiné les travailleurs sur leur site au début des mesures d’endiguement, une pratique qui a suscité les critiques des acteurs de la société civile. En juillet, le ministre du Travail a donné un mois aux entreprises pour mettre fin à cette pratique.

La pandémie semble avoir affecté le secteur minier de la RDC moins gravement que prévu. La production de cuivre a défié les prévisions de baisse de production liées à la pandémie, la demande ayant été stimulée par la reprise économique de la Chine. Selon la Banque centrale de la RDC, les sociétés minières ont produit 1 041 445 tonnes de cuivre et 51 235 tonnes de cobalt entre janvier et août 2020, deux volumes supérieurs à ceux enregistrés pour la même période en 2019. La production de cuivre a augmenté de plus de 13 %. D’autres sources font cependant état d’une situation différente, notamment S&P Global Market Intelligence qui prévoit que la production totale de cuivre et de cobalt de la RDC en 2020 diminuera de 12 % et 11 %, respectivement, par rapport aux niveaux de 2019.

En août, Ivanhoe a confirmé que le développement de sa mine de cuivre de Kakula continuait à dépasser les attentes, la production initiale étant prévue pour le troisième trimestre 2021. D’autres exploitants miniers ont également rapporté des nouvelles positives. En octobre, China Molybdenum, qui exploite la mine de Tenke Fungurume, a fait état d’une augmentation de 21,2 % de la production de cobalt au troisième trimestre 2020 par rapport au trimestre précédent, et l’entreprise est donc à nouveau en mesure d’atteindre son objectif de production pour l’ensemble de l’année. La production de cuivre à Tenke Fungurume a également augmenté, la production du troisième trimestre étant en hausse de 19,6 % par rapport à la même période en 2019.

Dans le secteur de l’or, la mine Kibali a dépassé la production de 2019 (750 000 onces) avec une production record de 814 027 onces d’or.

Impact sur les revenus du secteur extractif

La RDC dépend largement de l’exploitation minière pour ses devises étrangères. Le secteur minier représente environ 30 % du PIB et, selon les données du FMI, il a contribué  a plus de 90 % aux exportations totales au cours des cinq dernières années. 

Le budget initial de la RDC pour 2020 prévoyait 2,4 milliards de dollars de recettes provenant du secteur extractif, dont 2,15 milliards de dollars du secteur minier et 262 millions de dollars du secteur pétrolier. Cependant, les recettes du secteur extractif seront moins élevées (à titre de comparaison, les recettes publiques du secteur en 2018 s’élevaient à 1,5 milliard de dollars). En juin, le ministre des Mines a prévu une baisse de 20 % des recettes minières en 2020, en raison de la pandémie et des retards dans certains projets. Comme indiqué ci-dessus, si la pandémie ne semble pas avoir affecté de manière significative la production des principaux minéraux, la baisse des prix liée à la pandémie pour plusieurs minéraux clés au début de 2020 pourrait réduire les recettes. Les restrictions qui ont limité les exportations, en particulier la fermeture du port de Durban en Afrique du Sud, pourraient également avoir un effet négatif. En particulier, au cours des cinq premiers mois de 2020, les prix internationaux du cuivre ont été en moyenne inférieurs d’environ 13 % à ceux de la même période en 2019, tandis que les prix du cobalt étaient inférieurs d’environ 8 à 9 % (selon le point de référence utilisé). Depuis lors, les prix se sont sensiblement redressés - pour l’année en cours, le cuivre a atteint son plus haut niveau depuis sept ans à 3,33 dollars la livre, tandis que le prix du cobalt est inférieur de 6 %. Le prix de l’or a connu une hausse de 27 %.

Dans le court terme, la pandémie pourrait affecter plus directement les droits de douane, qui sont, selon une étude du NRGI en cours, la contribution la plus importante du secteur minier au budget de l’État.

Impact sur le gouvernance des ressources naturelles

Le processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en RDC est confronté à des défis structurels et financiers. L’ITIE est une norme mondiale de bonne gouvernance pour le pétrole, le gaz et les minéraux, et en octobre 2019, le Conseil international de l’ITIE a donné à la RDC 18 mois pour mettre en œuvre treize « actions correctives ». En juillet 2020, un nouveau coordonnateur de l’ITIE a été nommé par décret présidentiel et le Groupe multipartite de l’ITIE a adopté une feuille de route listant ses priorités pour 2020. Cependant, malgré ces actions positives, le processus ITIE manque de fonds nécessaires pour mettre en œuvre cette feuille de route 2020.

Pour faire face aux contraintes financières, les sociétés minières participant au processus ITIE se sont engagées à fournir 40 % du budget du groupe multipartite. Les 60 % restants devraient provenir du gouvernement et des donateurs. Cependant, cela n’a pas été le cas. Les donateurs sont désireux de soutenir le processus ITIE en RDC et exigent un signal du gouvernement qui démontre son engagement, notamment la signature d’une série de décrets, dont un sur la propriété réelle et le décret ITIE révisé. Le projet de décret sur la propriété réelle et ceux concernant l’ITIE sont en suspens depuis plus d’un an.

Au-delà de l’ITIE, la RDC continue de faire face à une série de défis de gouvernance en relation avec le secteur extractif. Le refus du gouvernement actuel de se conformer aux exigences de divulgation de tous les contrats liés à l’exploitation minière est devenu un problème dans les négociations entre a RDC avec le FMI pour un nouveau programme de trois ans. Le nouveau gouvernement maintient qu’il n’est responsable que de la publication des contrats conclus depuis son arrivée au pouvoir en 2019. Cette position va à l’encontre d’un décret de 2011 qui a rendu obligatoire pour la RDC la publication de tous les contrats d’exploration ou d’exploitation dans les domaines minier, pétrolier et forestier dans les 60 jours suivant leur signature. Les dispositions de 2011 sont réitérées dans la loi sur les hydrocarbures de 2015 et le Code minier de 2018. Malgré cela, en septembre, le gouvernement congolais, lors des négociations avec le FMI, a réitéré sa décision de ne pas publier tous les contrats extractifs manquants. Cependant, la question de la transparence des contrats a été une fois de plus au centre des préoccupations lorsque, en octobre, l’entreprise publique minière La Gécamines a publié un accord datant de 2017 qui donne à l’homme d’affaires controversé Dan Gertler le droit de percevoir des royalties sur l’un des plus grands projets de cobalt au monde.

À l’avenir

En mars, le gouvernement a mis en place un groupe de travail chargé d’élaborer un plan de relance. Le groupe de travail n’a pas encore fait de rapport public.

Le pays espère profiter de la reprise de la demande et des prix des minéraux. Toutefois, sans une meilleure gestion du secteur minier, celui-ci risque de ne pas réaliser pleinement les revenus potentiels. Les réformes de la gouvernance dans le domaine des industries extractives restent impératives pour l’avenir économique de la RDC. Parmi les plus critiques, l’on peut citer la réforme des entreprises extractives publiques comme la Gécamines, en particulier compte tenu de leur rôle dans la gestion du secteur minier et la collecte des recettes, et conformément aux recommandations du FMI de septembre 2019. Un renforcement significatif de la transparence dans le secteur sera nécessaire pour aider à éradiquer la corruption. Alors que le FMI et les autres bailleurs de fonds s’engagent et soutiennent la RDC pour faire face à l’impact de la pandémie de coronavirus, ils devraient accorder une priorité élevée à la mise en œuvre de telles réformes.

Jean Pierre Okenda est le directeur pays  de l’Institut pour la gouvernance des ressources naturelles (NRGI) en RDC.