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Des solutions importantes pour consacrer la transparence et la bonne gouvernance dans le cadre juridique minier tunisien

Le secteur extractif est l’un des domaines d’activité les plus controversés en Tunisie à cause de sa gestion considérée comme opaque par les activistes de la société civile. Le doute et l’insatisfaction des habitants des zones minières ont conduit à une crise qui persiste depuis 2011. Aussi récemment que le mois de décembre 2018 la production a été bloquée à cause des manifestations organisées par des chômeurs suite à l’annonce des résultats du concours de recrutement à la Compagnie des Phosphate de Gafsa. Ce concours était considéré comme non transparent par les manifestants, reflétant le manque de confiance entre l’entreprise nationale et le gouvernement d’une part et les habitants de la zone minière d’autre part.
 
Cette crise s’est traduite par la chute de la production du phosphate qui passe de 8,131 million de tonnes en 2010 à 4,15 million de tonnes en 2017, en raison principalement des mouvements sociaux dans la région de Gafsa, le principal bassin de production de phosphate en Tunisie.
 
L’affaire Cotusal qui concerne les soupçons de mauvaise gestion des contrats d’exploitation du sel tunisien, illustre un autre dysfonctionnement lié à la gestion du secteur minier. L’évaluation du secteur minier tunisien selon le rapport 2017 de l’Indice de gouvernance des ressources naturelles a aussi révélé des faiblesses, avec un score de 46/100 qui est plus bas que le score obtenu par le  secteur des hydrocarbures qui a enregistré un score de 56/100. La sous-composante relative au processus d’octroi des permis miniers était l’une de ces faiblesses selon les résultats de l’Indice. Afin de contribuer à l’amélioration de cet élément, NRGI a élaboré une étude visant la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles relatives à la transparence et à la gouvernance lors de la révision du code minier. Vu que le gouvernement a récemment décidé de restructurer le secteur extractif suite à l’affaire de Halk el Manzel, cette étude pourrait être utile pour la restructuration juridique et institutionnelle du secteur minier.
 
Adopter un contrôle parlementaire constructif conciliant redevabilité et efficacité de l’administration.
 
A travers l’article 13 de la Constitution, la Tunisie devient l’un des pays les plus récents à avoir adopté, depuis la révolution de 2011, un contrôle parlementaire en faveur du renforcement de la transparence, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption. Notre étude résume le processus actuel d’octroi des permis et propose deux scénarios pour l’application de l’article 13 avec l’analyse des avantages et des inconvénients de chaque option, en s’inspirant du guide publié en 2016 par NRGI relatif à l’approbation parlementaire des contrats de ressources naturelles.
 
Le choix entre les options aura des répercussions sur l’étendue du contrôle parlementaire (large ou limité), la procédure d’approbation des contrats miniers (simple ou lourde) et les risques de corruption (limité ou élevé). L’étude traite aussi les implications de chaque option sur l’investissement dans le secteur minier.

Remédier aux défaillances concernant le processus d’octroi des permis miniers.   
 
La transparence doit être une des règles organisant et régissant les activités de l’administration y compris celle chargée des industries extractives. Pourtant l’analyse approfondie de la procédure actuelle d’octroi des titres miniers fait ressortir des faiblesses en termes de transparence et de gouvernance. Le processus actuel d’octroi est complexe, opaque et peu compétitif, ce qui exige la réforme de cette procédure.
 
Suite à ce constat, nous proposons des mesures concrètes pour l’amélioration de ce processus, avec la clarification des critères d’évaluation des demandes d’investissement, la publication de l’information susceptible de mettre en jeu la redevabilité et les cas dans lesquels l’administration peut recourir à la concurrence. Il y a lieu de signaler que la mise en jeu de la concurrence n’est pas un objectif en soi, elle dépend de la disponibilité de l’information géologique, qui déterminera l’utilité et la faisabilité du recours à la compétition.
 
En outre, l’étude précise la nature des informations et des documents à publier pour la mise en œuvre de la redevabilité et clarifie la manière de garantir la pérennité du système de publication des informations minières.
 
Enfin, on ne peut pas bâtir un système transparent d’octroi des permis avec un dysfonctionnement institutionnel. Donc une réforme visant la clarification des structures impliquées dans le processus est nécessaire en ce qui concerne le rôle du Comité Consultatif des Mines (le CCM), surtout au niveau de sa composition et sa modalité de fonctionnement par rapport à la direction générale des mines.
 
 
Amir Shafaie est directeur des programmes juridiques et économiques au Natural Resource Governance Institute (NRGI). Wissem Heni est senior Tunisia officer à NRGI. 

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