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Les revenus miniers en hausse de 46% dans le rapport ITIE 2017 de la Guinée

Le rapport ITIE 2017 de la Guinée publié en mai 2019 confirme la dynamique expansionniste observée depuis 2014 dans le secteur minier en Guinée, tirée principalement par la bauxite qui a représenté 76% des revenus issus du secteur extractif en 2017. Les points saillants de ce rapport sont nombreux.

Avec 4 548 milliards de GNF (505 millions d’USD), le secteur extractif guinéen a enregistré un bond de +46% des revenus par rapport à 2016. La figure 1 montre qu’il s’agit de l’année la plus fructueuse pour le Trésor guinéen depuis 2006, à l’exception de 2011 où la Guinée avait reçu de Rio Tinto le paiement transactionnel exceptionnel de 700 millions d’USD.

Figure 1 : Recettes du secteur extractif en Guinée de 2006 à 2017 (Données ITIE)

En analysant l’évolution des revenus miniers par société (cf. Figure 2), on réalise qu’elle s’explique principalement par le développement rapide des activités du consortium SMB Winning. Sa production a explosé à près de 30 millions de tonnes en 2017, +150% en un an, faisant de lui le premier contribuable minier en Guinée, avec 1 649 milliards de GNF, dont 802 milliards venant de la SMB elle-même, et le restant révélé par les déclarations unilatérales de Winning (608 milliards) et UMS (239 milliards) en tant que sous-traitants. Avec une contribution en baisse de 25% par rapport à 2016 vraisemblablement due au coût des investissements dans l’extension de ses capacités de production, la CBG reste un contribuable important, avec plus de 1 000 milliards de GNF, alors que sa production représente désormais la moitié de celle de SMB.

Figure 2 : Recettes des principaux contribuables miniers en Guinée entre 2015 et 2017 (Données ITIE)

La figure 3 montre que l’augmentation des revenus miniers en 2017 est due principalement aux taxes minières et aux droits de douanes, ce qui est normal pour des projets en phase de récupération des investissements comme avec SMB Winning. Toutefois, des recettes plus importantes pourraient bientôt être collectées par l’impôt sur les bénéfices à condition que l’administration fiscale s’assure que les ventes et les coûts sont correctement reportés par tous les nouveaux projets.

Figure 3 : Part des différentes taxes dans les revenus du secteur extractif en Guinée en 2016 et 2017

Le rapport 2017 souligne le rôle pionnier de la Guinée dans deux domaines importants. D’une part, l’enregistrement des propriétaires réels des titres miniers, qui toutefois progresse timidement. D’autre part, l’intégration des sous-traitants miniers au sein du périmètre de l’ITIE, créant ainsi grâce aux déclarations de plus en plus détaillées les conditions pour que les entrepreneurs Guinéens identifient des opportunités de partenariats dans le secteur. On observe ainsi que le nombre de sous-traitants miniers s’est accru de 11 en 2014, à 19 en 2016, puis jusqu’à 36 en 2017. S’élevant à 1 016 milliards de GNF (112,8 millions d’USD) en 2017, les revenus de l’Etat provenant des sous-traitants ont quadruplé en un an, passant alors de 8% à 24% des revenus du secteur extractif et provenant à plus de 80% du consortium SMB Winning.

Par ailleurs, les sociétés d’Etat, SOGUIPAMI et ANAIM, profitent de l’embellie générale du secteur avec une croissance de 11% de leurs revenus, à 315 milliards de GNF (35 millions d’USD). Cet accroissement est principalement dû au doublement des revenus de SOGUIPAMI (31 milliards de GNF) alimentés par les droits de suite (2,16 millions d’USD nets, contre 75 222 USD en 2016) relatifs à l’accord de novembre 2016 qui a permis à SMB de récupérer le permis du bloc de Malapouya appartenant à l’Etat. Le rapport ITIE explique également davantage le mode de fonctionnement des sociétés d’Etat et leurs principaux accords et transactions, ainsi que la politique de l’Etat dans le développement des infrastructures minières.

Les entreprises chinoises (Henan, CPI et Chinalco) dont les titres rentrent dans l’accord-cadre, que la Guinée a signé en 2017 avec la Chine pour le financement des infrastructures en échange de l’octroi de ressources minières, rentrent pour la première fois dans le rapport ITIE. Cet accord, brièvement présenté dans ce rapport, prévoit un décaissement de 20 milliards d’USD entre 2017 et 2036, emprunt que l’Etat guinéen remboursera grâce aux revenus générés par les entreprises chinoises. Au titre de 2017, Henan a déclaré des paiements à l’Etat de 16 milliards de GNF pour une production de 2,7 millions de tonnes, et CPI 414 millions de GNF.

Les rapports ITIE améliorent la transparence dans la gestion des finances publiques. Premièrement, le rapport 2017 montre que la contribution du secteur extractif au budget de l’Etat est de 4,1 milliards GNF. Elle est ainsi passée de 25% à 32%, consolidant le positionnement de la Guinée parmi les pays riches en ressources, selon la classification du Fonds Monétaire International (FMI). Cette tendance renforce aussi le risque d’une dépendance accrue de la Guinée vis-à-vis de son secteur extractif qui, malgré son poids important, n’a généré que 0,4% des emplois. Deuxièmement, le rapport révèle des mécanismes d’emprunt de l’Etat auprès de sociétés minières avec des implications budgétaires : un prêt de 25 millions d’USD de l’ANAIM au Trésor public conclu en 2015, remboursé par la CBG en contrepartie d’une réduction de ses paiements d’impôt sur les bénéfices. Enfin, la Cour des Comptes a validé les données fournies par les services de l’Etat et assoit ainsi son rôle de surveillance dans la gestion des industries extractives.

Enfin, les revenus miniers reversés au sein des communautés (redevance superficiaire, contribution au développement local, paiements sociaux des entreprises) connaissent un bond de 55%, s’établissant à 94 milliards de GNF. Les paiements sociaux des entreprises qui en représentent 87%, ont presque doublé, en raison, entre autres, des compensations versées dans les communautés par Bel Air Mining (11,5 milliards de GNF) et de l’intégration dans cette rubrique des paiements sociaux d’ANAIM (14,3 milliards).
 

Hervé Lado est responsable pays pour Natural Resource Governance Institute en Guinée et Thomas Lassourd est analyste economique senior chez NRGI