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Les gestionnaires de communes minières en première ligne de la mise en œuvre du fonds de développement en Guinée

Nous avons beaucoup appris sur les dispositions prévues dans le code minier pour soutenir le développement local, et en particulier les mécanismes de participation, de transparence et de redevabilité.” Déclarait en clôture de l’atelier des 5 et 6 février 2019 à Kindia, M. Nouhan Kaba, Secrétaire général de la Commune urbaine de Boké, désigné par ses pairs chef de village, c’est-à-dire censeur et porte-parole pendant l’atelier. Le chef de village confirmait ainsi que le but de l’évènement était atteint, c’est-à-dire préparer la quarantaine de secrétaires généraux et receveurs des communes minières de la Guinée à mieux coopérer avec les autres parties prenantes, que sont les élus locaux, les autorités administratives locales, les entreprises minières, les organisations de la société civile (OSC) et les populations locales, pour assurer le succès du Fonds de Développement Economique Local (FODEL).

Pour mémoire, aux termes de l’article 130 du code minier guinéen, les titulaires d’un titre d’exploitation minière devront, à partir de leur première production commerciale, verser annuellement une Contribution au Développement Local (CDL) aux communes impactées. La CDL, fixée à 0,5% du chiffre d’affaires pour les substances de catégorie 1 (bauxite et fer) et 1% pour les autres, abondera le FODEL. Un Comité d’appui à la gestion du FODEL (CAGF), qui réunit dans chaque préfecture minière diverses parties prenantes dont les représentants des élus locaux, de la société civile, des jeunes et des femmes, accompagnera les communes dans la sélection des projets les plus susceptibles de générer des revenus, des emplois, et de nouvelles chaines de valeur économiques.

L’atelier de Kindia s’est imposé à la suite des investigations menées par Action Mines en 2018 sur l’utilisation des revenus miniers locaux. L’enquête réalisée dans deux des cinq principales préfectures minières, avec l’appui de NRGI, avait montré d’importantes défaillances dans la chaine de collecte et d’utilisation des revenus miniers, notamment la traçabilité des paiements et le contrôle des marchés réalisés. Alors que les communes minières vont connaitre cette année un afflux sans précédent de ressources du FODEL et du Fonds National de Développement Local - FNDL, il était essentiel de poser, avec ces acteurs-clés de la gestion communale, les bases d’une bonne gouvernance minière au niveau local.

L’atelier a connu quatre présentations. D’abord celle de NRGI pour partager les exigences de participation, de transparence et de redevabilité contenus dans la Charte des Ressources Naturelles , et pour situer le FODEL par rapport aux autres outils fiscaux du code minier. Ensuite, M. Néné Moussa Camara, Directeur général des relations communautaires et du contenu local au Ministère des mines et de la géologie, a replacé le FODEL dans l’ensemble des mécanismes prévus dans le code minier pour que l’activité minière profite directement aux populations guinéennes, évoquant aussi le contenu local et les initiatives volontaires des entreprises au titre de leur responsabilité sociétale. M. Issiaga 2 Sylla, de la Direction nationale de la décentralisation du Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation, s’est appesanti sur le Manuel de procédures FODEL, en faisant le lien avec les principes de transparence et de redevabilité qui structurent le code des collectivités locales. Enfin, Action Mines a présenté Transparency FODEL, la plateforme numérique que des OSC sont en train de développer, avec l’appui de NRGI, pour assurer la traçabilité des revenus FODEL, et pour laquelle la coopération des gestionnaires municipaux sera capitale.

Vu l’importance du FODEL et du FNDL, certaines communes seront tentées de réduire leurs efforts de collecte de ressources internes et ainsi devenir dépendantes des revenus miniers. A titre d’illustration, si le FNDL calculé sur 2016 (96,65 Md GNF) devait être réparti à parts égales entre les 342 communes de Guinée, la part de chacune (282 MGNF) représenterait à elle seule le tiers du budget 2016 de la Commune urbaine de Fria et la moitié de celui de la Commune rurale de Tougnifily. Alors, le débat de clôture a porté sur des pistes pour diversifier les sources de revenus, notamment par la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, domaine manifestement nouveau pour les participants.

Pour ces agents de l’Etat, le positionnement administratif pose un défi quotidien, entre un exécutif communal autonome et l’Etat, deux entités dont les agendas et pratiques ne sont pas toujours alignés. Dans ces conditions, la mise à la disposition du citoyen qui le souhaite des comptes de la commune, ou du Plan de développement local et du Programme annuel d’investissement conformément aux articles 558, 577 et 580 du code guinéen des collectivités locales, n’est pas encore une pratique courante. Par ailleurs, aux questions de nombre de participants de savoir comment connaitre les obligations fiscales des entreprises et les données sur leurs permis miniers, apprendre que les contrats miniers, le cadastre minier et les rapports ITIE sont accessibles à tous en ligne a été une véritable révélation.

Hervé Lado est responsable pays pour Natural Resource Governance Institute en Guinée.